Éric Bolduc XYZ

Communications & Développement

Simon Beaudry – 1

Parcours

J’ai commencé la maîtrise en arts visuels en 2012, mais je n’ai jamais arrêté de pratiquer professionnellement. L’exposition au Centre d’art Diane-Dufresne fait se rencontrer ces deux pratiques, artistique et professionnelle. Je me retrouve à un carrefour, avec plusieurs sculptures et photos issues de mes deux premiers corpus, Caliboire et Véhicules & Scalp, et aussi des œuvres appartenant à un projet futur, La Charge de l’orignal épormyable. Le titre renvoie à la pièce de Claude Gauvreau, écrite dans les années 50. C’est un gars qui essaie de sortir de lui-même ; il est dans un asile psychiatrique et défonce des portes avec sa tête. La langue de Gauvreau est complètement délurée. En fait, épormyable, je ne pourrais dire exactement ce que ça signifie (!) Je transpose ce mot créé par un auteur anarchiste et révolutionnaire sur la cause nationale du Québec.

Je m’approprie cette idée, que j’incorpore dans mon propre parcours de publicitaire et de designer. D’une part, j’ai toujours cherché à faire plus de création libre. D’autre part, il y a des œuvres que j’ai créées en Écosse dans l’espace public lors de leur dernier référendum. J’y étais pendant trois semaines. Les œuvres mélangeaient l’identité québécoise et écossaise, et parlaient autant du projet d’indépendance du Québec que de l’Écosse. J’ai pu interagir avec des écossais qui se demandaient un peu ce que je faisais là. Pourquoi un Québécois venait, selon eux, leur dire quoi faire ? Ce n’est pas non plus mon intention.

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Simon Beaudry, Placardage québécossais (séquence), 2014 / 2016. © Photo : Éric Piccoli

Ensuite, l’exposition comporte des projets de la maîtrise, où je cherchais une façon de décloisonner mon art. Je me sentais autant limité dans mon cercle d’amis, dans les propos que j’avais, les discussions et la nourriture intellectuelle. C’est d’ailleurs pour cette raison que je suis allé à la maîtrise. Hélène Doyon, ma directrice, m’a complètement ouvert à toutes les œuvres créées dans l’espace public, que je ne connaissais pas : l’ATSA, DARE-DARE, notamment. Ça m’a beaucoup accroché. Je me suis dit que c’était la voie que je devais suivre. Il y a de ça dans l’exposition aussi, de l’intervention, plusieurs performances.

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Simon Beaudry, Province, 2014, archive d’une performance, arrêt sur image, 1920 × 1080, H.264, durée : 29:15.

Il y a, entre autres, la performance à la maison Hamel Bruneau dans Sillery près de Québec, avec mon véhicule quadriporteur pour handicapé un peu modifié que j’appelle Province. Je suis sorti du centre d’exposition et j’ai roulé jusqu’à la Grande Allée, jusqu’au Parlement de Québec. Ça m’a pris deux heures me rendre. J’étais vêtu de l’uniforme du personnage que je personnifie, le conducteur à la recherche d’un véhicule qui veut « se rendre au pays ». Deux heures de route pour me rendre au Parlement. Là, je me suis mis à tourner en rond autour de la fontaine, j’ai stationné ma Province, j’ai saisis mon drapeau uni-lys – qui représente ma vision modifiée du Québec – je suis sorti et me suis rendu jusqu’à la porte de l’Assemblée nationale. En revenant là, je me suis fait intercepté par les autorités, qui avaient l’air surtout inquiet par le fait que j’étais masqué. J’avais un panache sur la tête et portait une visière munie d’une fente. Ça peut être inquiétant, et surtout inusité, on ne voit pas vraiment ça. Ils m’ont simplement demandé d’aller plus loin.

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Simon Beaudry, Province, 2014, archive d’une performance, arrêt sur image, 1920 × 1080, H.264, durée : 29:15.

Juste après ça, quand je suis allé en Écosse, l’équipe qui filmait ont archivé ma performance et l’ont inclus dans un documentaire en cours de production. Ça s’inscrit dans un projet que j’appelle pour l’instant Chantier Québec-Écosse. Je commence à explorer l’idée de chantier, quelque chose en cours, en processus de construction, qui sous-entend le commencement, un début. La fin elle est plutôt incertaine mais sous-entendue aussi.

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Simon Beaudry, Disabled by dependence, 2014 / 2016. © Photo : Éric Piccoli

Il y a cette idée de chantier dans ma démarche que la maitrise m’a aidé à cristalliser. Quand on fait des œuvres en atelier ou en studio de photo, on n’a pas vraiment de contact avec la vraie vie. Quand on expose dans un musée ou un centre d’art, les gens arrivent là avec une prédisposition à accueillir ce qu’on a fait, ils repartent et c’est tout. Tandis que, lorsqu’on se met à faire de l’art action et à déployer des œuvres dans l’espace public, on rejoint l’espace collectif, ce « lieu du pays réel ». On ne veut pas d’un pays juste pour soi ; sinon c’est un asile peut-être.

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Image du haut : Simon Beaudry, Véhicule et scalp, vue de l’exposition, Centre d’art Diane-Dufresne. © Photo : Guy L’heureux

Crédits additionnels Province : Performance du 16 août 2014 à Québec, dans le cadre de l’exposition Câliboire présentée à la Maison Hamel-Bruneau à l’été 2014. Production, Réalisation, montage : Éric Piccoli, Félix Rose, Babel Films.

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