Laisse le mystère grandir en toi
Linda Rabin [Traduction libre]
Nous rénovons une pièce de la maison, en vue d’en faire une salle de thérapie-coaching-musique-chambre-d’ami.e (ouais!).
Et bien que je ne sois pas complètement incapable de travail manuel, disons que ce n’est pas ma préférence. Et mon partenaire est tellllement meilleur que moi, que lorsque vient le temps de rénover ou de construire quoi que ce soit, je m’en remets 100 % à lui.
Dans ce domaine, il faut littéralement me dire quoi faire — les étapes, la séquence, les outils à utiliser, comment les utiliser, tout.
Et — je viens tout juste de le réaliser — il faut aussi qu’on me dise « fais-le ».
Besoin de soutien
Il y a une partie de moi plutôt importante qui préférerait être en vacances, en tout temps.
C’est bon, j’aime cette partie. Et j’accomplis tout plein de choses (pour vrai) quand je suis en mode vacances/libre. Et la rénovation n’est pas l’une de ces choses. Sauf si on me dit de le faire.
Le fait qu’on me dise de faire quelque chose m’aide à m’activer, indéniablement.
Comme beaucoup de parents, je présume, connaissent cette vérité: la compassion peut prendre la forme de dire aux autres quoi faire.
Faire
Me voilà donc en train de faire ce qu’on m’a dit: démonter une étagère, exécuter la tâche ennuyeuse et fastidieuse de retirer les petites vis et des trucs en forme de « L » qui la maintenaient en place.
C’est plus difficile que je ne le pensais. Je n’arrive pas à appliquer la bonne quantité de pression sur la gâchette de la perceuse.
Les vis tournent comme dans du beurre. Je me sens désespéré et découragé, et je ne fais que commencer.
À un moment donné — ne me demandez pas pourquoi — j’essaie d’y aller en regardant dans l’autre direction, aveuglément, et ça marche comme par magie.
Éclaircie
Et voilà: regarder directement les problèmes, avec la force vive de l’esprit visuel-linguistique-logique-rationnel (mental) n’est pas toujours la manière la plus efficace de procéder.
Permuter au cerveau droit, la part irrationnelle en soi, qui semble savoir « comment » exécuter les choses, fait parfois un meilleur travail.
Votre inconscient sait (mieux) faire
L’action est non mentale.
La partie performative d’une action demande une attention souple.
Le bon type de magie
Le corps se connecte directement avec un moi plus profond [Traduction libre]
Geneviève La
Ma voisine, amie-ostéopathe et danseuse extraordinaire Geneviève m’a raconté une histoire qui résonne avec ça.
Elle pratiquait une chorégraphie et se débattait pour trouver le « bon type » de magie dans l’exécution de la pièce.
Son professeur à l’époque Linda Rabin lui dit: « Laisse le mystère grandir en toi ».
Tout de suite, quelque chose en elle a débloqué et elle réussit à mieux rendre le mouvement, avec plus de grâce.
Ainsi, la prochaine fois que vous vous débattez pour faire quelque chose avec justesse, détendez-vous, fermez les yeux et laissez votre corps travailler, comme si ça se faisait tout seul.
Guérir — Un processus
Je ne peux pas m’empêcher de faire des liens avec ce que j’apprends dans ma formation ces jours-ci.
En septembre 2020, j’ai entrepris un programme de certification professionnelle de trois ans, au Centre de Relations d’Aide de Montréal (CRAM), pour devenir thérapeute, pour m’aider à évoluer en tant que coach personnel et comme être humain plus compatissant en général.
Je suis en première année, qui constitue essentiellement une méga thérapie personnelle en soi, consacrée à se guérir soi-même, avant d’apprendre comment aider les autres à guérir.
Ces jours-ci, j’apprends à regarder ce qui est difficile à regarder: mes propres sentiments négatifs de malaise et de souffrance, mes peurs irrationnelles, mes croyances limitatives et mes mécanismes de défense.
Attention SVP
La thérapie personnelle est un outil qui soutient le travail, elle vous aide à le faire vous-même.
Vous faites le travail, mais vous n’êtes pas seul.e. La pleine attention de quelqu’un.e d’autre s’avère extrêmement utile pour faire le dit travail. Aussi, le simple fait de se présenter et d’avoir une autre personne à qui rendre compte contribue grandement à la motivation et à la mobilisation.
Tout comme bae avait écrit toutes les étapes de la rénovation de la pièce, il fallait quand même qu’on me dise de « le faire » pour que je m’active.
Nettoyer l’outil
Au CRAM, suivre une thérapie personnelle avec l’Approche non directive créatrice (ANDC MD) — créée par Colette Portelance, fondatrice et directrice du CRAM — est obligatoire pour les étudiant.e.s, dans le but de devenir thérapeutes.
Pour moi, il s’agit de nettoyer l’outil avant de l’utiliser.
J’ai eu 10 séances individuelles jusqu’à présent. Dès les premières séances, j’ai plongé tête première, en étant transparent et direct avec ma thérapeute, me dénonçant — admettant que j’ai tel ou tel comportement, patterns, mécanismes de défense, etc.
Dans ma tête, je suis super bon, il se pourrait même que je sois le meilleur de ma classe (ce qui est typique pour mon type de « défense de supériorisation »).
Je vais être honnête (Quoi?!), je pensais que je m’en sortais bien, que je comprenais le processus, ayant étudié et pratiqué une myriade de méthodes de croissance personnelle. J’ai même commencé à coacher des personnes comme activité secondaire depuis quelques années maintenant et je vois les résultats du travail avec mes client.e.s.
Le mur
Lors de ma dernière séance, juste avant de prendre une pause pour les fêtes, je me suis retrouvé face à un mur, incapable d’aller plus loin que la connaissance rationnelle.
Je sais que j’ai telle ou telle crainte, liée à mon désir d’être « bon » d’être « le meilleur ». Mais je n’arrive pas à ressentir ce qu’il y a en dessous.
Je sais aussi que le complexe de supériorité est en fait un complexe d’infériorité.
C’est logique: on est tellement sensible à la question de sa propre valeur qu’on se défend contre des sentiments profonds de non-valeur — en projetant tout de suite qu’on est au dessus de, qu’on est meilleur que, et/ou en essayant très fort de devenir bon, le meilleur si possible.
Cette mentalité de performance n’est pas utile pour apprécier la réalité.
Je sais aussi que je fais tout ça probablement pour éviter d’être rejeté, honteux et seul. Je dis « probablement » parce que je ne suis pas en mesure d’entrer en contact avec ces sentiments et ces craintes. Je « présume » que c’est ce qu’il en est.
Et c’est ça le mur.
Le mental (seul) ne peut guérir
Savoir que j’ai ces enjeux ne m’aide pas à les résoudre.
En fait, oui ça aide.
Ce que je veux dire, c’est que la prise de conscience n’est qu’une partie — et une partie détachée — du processus.
Comme la différence entre une carte montrant un lac et boire son eau pour étancher sa soif.
Mener un cheval à l’eau
C’est comme si j’avais mené le cheval proverbial jusqu’au lac, le cheval regarde l’eau, mais ne boit pas.
Et je ne peux pas le forcer à boire.
Présentement, je demeure assoiffé, incapable de ressentir mes sentiments profonds d’être indigne, ou quoi que ce soit que je ressente — que ce soit ma peur de perdre l’amour et de me retrouver seul dans le noir, ou autre chose.
Accepter
Cette soif n’est pas une mauvaise chose, elle agit comme une motivation pour faire le travail et continuer à creuser.
Et accepter que les choses prennent du temps. C’est une invitation à lâcher prise.
C’est là où j’en suis maintenant. J’accepte que cette réalité observe son propre horaire et son propre rythme. J’accepte que la guérison de mon esprit et de mon cœur prenne le temps qu’il faut.
Ce cheval finira par boire éventuellement.
Une lutte utile
Bien que cette lutte soit bien réelle, Geneviève me dit comment elle s’avérera très utile plus tard.
Lorsque j’assisterai des client.e.s qui vivront cette phase frustrante — de ne pas arriver à accéder à leur moi émotionnel profond — je pourrai être plus présent à cette difficulté et faire preuve de plus d’empathie.
Oblique
Et j’ai une nouvelle astuce: lors de ma prochaine séance de thérapie — au lieu d’employer le regard aiguisé de mon juge rationnel — je pourrai tenter une mise au point plus souple, à la rencontre de mon monde intérieur.
Laissant mon armure interne s’assouplir avec un doux regard oblique.
— Éric
Images
- Éric Bolduc, Ange destructeur, 2021
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Éric Bolduc XYZ 